Hommes et machines : arrêtons de les opposer ! 

Coordinatrice du dossier dédié à la co-conception homme-machine du blog d’Ethnography Matters, l’ethnographe Tricia Wang affirme que l’opposition binaire homme-machine est néfaste. Cette opposition incite à penser que les machines ne produisent pas de résultats erronés et peuvent fonctionner sans l’intervention des humains. Cette divergence constitue un obstacle pour trouver de nouvelles approches et mieux combiner l’intelligence des machines et des humains afin de créer de meilleurs systèmes.

Interaction entre hommes et machines

L’ethnographe Tricia Wang déclare qu’il y a toujours eu une interaction entre les hommes et les machines. Analyser la conception des hommes de leurs relations avec les machines est nécessaire pour réaliser la valeur de ces échanges. Cependant, elle précise que le récit culturel de l’opposition se base sur l’impartialité et l’intelligence des machines. Ce récit précise que ces dernières ne sont pas aptes à corriger les faiblesses des hommes s’ils se remettent à elles. En revanche, les chercheurs convoqués pour le dossier d’Ethnography Matters affirment le contraire. Ces spécialistes essaient d’assurer une meilleure intégration des interactions entre humain et machine. Pour Tricia Wang, l’enjeu n’est pas de développer l’empathie ou l’éthique des machines, mais d’améliorer leur partenariat avec les humains.

Toutes les données ne sont pas prises en compte par les machines

Che-Wei-Wang, designer et architecte, affirme sur Ethnography Matters que le rôle du designer connait aujourd’hui un changement en raison du développement d’algorithmes génétiques. La conception avec les algorithmes génétiques repose sur l’utilisation de logiciels permettant de définir les paramètres d’une conception via un algorithme générant des formes suivant de nombreux critères pour trouver la forme la plus adaptée. Il précise que l’enjeu est de mettre en place de meilleures données pour développer les projets. Cependant, les projets requièrent souvent l’utilisation des données disponibles, au lieu des données adaptées. Dans les données, la quantification et l’intégration de la prise en compte des facteurs humains sont généralement difficiles. En effet, certaines données ne sont pas toujours quantifiables. De ce fait, la machine aura du mal à les prendre en compte. Le pilotage par un humain est alors indispensable.

Machines : des aides et non des remplaçants

Pour la spécialiste des médias sociaux pour le collectif Everybody at once, Molly Templeton, de plus en plus de personnes pensent que les machines sont aptes à réaliser la communication avec les humains (réponses automatisées des messageries instantanées par exemple). Elle précise que l’enjeu n’est pas de remplacer les hommes par des robots, mais de faire en sorte que les machines puissent participer à la gestion du travail émotionnel des humains. A noter que répondre aux gens sur les médias sociaux requiert de l’empathie, une capacité que les robots n’ont pas. Une surveillance humaine est requise pour permettre aux algorithmes d’interpréter et de contextualiser l’émotion du public.

La complexité des mesures et des traitements

Angèle Christin, sociologue et spécialiste de la justice pénale, a effectué une analyse du fonctionnement des Comparutions immédiates en France. Dans sa contribution à Ethnography Matters, elle explique que les tentatives de rationalisation par les chiffres sont très présentes dans les procédures d’urgence judiciaires (pourcentage des accusés ayant un casier, nombre de cellules disponibles…) et dans les salles de rédaction de la presse en ligne, et ne sont pas sans conséquence. En effet, ces mesures se révèlent parfois arbitraires. Elle affirme qu’il est difficile d’évaluer de manière quantitative le « bon journalisme » et « la bonne justice ». Angèle Christin précise que les relations entre les nombres, les mesures et les organisations sont très complexes.

L’intervention des hommes dans les systèmes autonomes

Quant à l’anthropologue Madeleine Clare Elish, chercheuse au groupe Intelligence et autonomie à Data & Society, son étude se base sur les systèmes autonomes. Bien qu’ils soient considérés comme sans pilote, leur conception, entretien et planification requièrent l’intervention des hommes. Le fonctionnement de ces systèmes repose sur une collaboration entre humain et machine. Cependant, le rôle de l’homme est amoindri et peu connu. Pour Madeleine Calre Elish, l’analyse de ces systèmes doit mettre en avant l’implication des humains, et non le fait que leur rôle soit effacé.

Stephan maitre d'oeuvre Offiscenie
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